Flexibilité électrique : un levier pour la transition énergétique

La flexibilité électrique : c’est quoi exactement ?

Notre système électrique doit adapter en temps réel la consommation à la production. Or, avec l’essor des énergies renouvelables, cette harmonie devient plus difficile à maintenir. La production dépend désormais de facteurs climatiques, alors que notre consommation reste globalement prévisible, mais peu flexible.

C’est là qu’intervient la flexibilité électrique. Ce concept désigne la capacité du système à ajuster la consommation ou la production d’électricité à court terme pour maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande.

La flexibilité côté consommation

Longtemps spectateurs du système électrique, les consommateurs deviennent peu à peu des acteurs à part entière.

De façon générale, on parle de Demand Side Response (DSR), ou de Pilotage de la consommation en bon français, quand on fait référence au fait d’utiliser un site de consommation pour des besoins de flexibilité. Le site de consommation n’est plus passif mais devient un vrai acteur du système électrique.

Mais attention, il ne s’agit pas de demander aux Français de changer radicalement leurs habitudes du jour au lendemain. L’idée, au contraire, est de rendre la flexibilité simple, intuitive et automatisée, grâce à la technologie et à des signaux clairs.

La modulation de la consommation

Certaines entreprises ou industries acceptent de réduire temporairement leur activité électrique lors des pics de demande ou des périodes critiques. On parle alors d’effacement de la consommation électrique. Ces effacements permettent de soulager le réseau et sont parfois rémunérés.

Le décalage dans le temps

Pour les particuliers, la flexibilité passe souvent par le décalage de certains usages électriques. Par exemple, recharger son véhicule électrique ou lancer un lave-linge pendant les heures creuses, plutôt qu’en soirée lorsque tout le monde consomme. Le plus souvent, ce sont des offres tarifaires qui peuvent encourager ce comportement.

La flexibilité côté production

La France compte des leviers de flexibilité « historiques » : les centrales de pointe (gaz et charbon) qui fonctionnent une centaine d’heures par an, le stockage hydraulique sous forme de barrage et de STEP (Station de transfert d’énergie par pompage) ainsi que les interconnexions avec nos pays européens voisins.

Le rôle clé des producteurs d’énergie renouvelable

Dans un monde où la production d’électricité doit s’adapter aux conditions météorologiques et non l’inverse, le rôle des producteurs d’énergie renouvelable dans la flexibilité du réseau est crucial.

Les centrales éoliennes et solaires sont désormais pilotables à distance. Elles peuvent ainsi être stoppées en quelques minutes seulement !

Le stockage d’énergie est le levier de flexibilité par excellence car il existe une diversité de technologie permettant d’adresser différents besoins. Il est aujourd’hui une solution à la variabilité des énergies renouvelables, et une source de revenu complémentaire pour les producteurs.

Une réponse aux prix négatifs

Le décalage entre l’offre et la demande peut engendrer des prix négatifs de l’électricité. En clair, les producteurs doivent parfois payer pour écouler leur électricité car le réseau est saturé et la demande trop faible. Une situation coûteuse et inefficace, qui pousse les pouvoirs publics à adapter la réglementation.

Depuis le 1er avril 2025, de nouvelles règles et notamment l’Article 175 de la Loi de finances pour 2025, permettent aux acteurs publics de demander aux producteurs d’énergies renouvelables d’interrompre temporairement leur production. L’objectif, limiter les pertes et les surcoûts. Mais au-delà de ces mesures, c’est la flexibilité électrique qui émerge comme une solution clé pour mieux intégrer les énergies vertes, stabiliser le réseau, et impliquer les consommateurs.

Que dit l’Article 175 ?

Face à la multiplication des épisodes de prix négatifs, les pouvoirs publics ont décidé d’agir. L’Article 175 introduit une mesure de flexibilité ciblée sur les producteurs d’énergies renouvelables bénéficiant de contrats d’achat subventionnés. Le but étant de mieux maîtriser la production dans les périodes de surabondance d’électricité, tout en limitant les coûts pour les finances publiques.

Concrètement, ce dispositif s’adresse à certaines installations de production d’électricité renouvelable sous contrat avec l’État.

• À partir du 1er avril 2025, et jusqu’au 31 décembre 2025, les acheteurs obligés pourront demander à ces producteurs de réduire ou d’arrêter temporairement leur production, dans des cas bien définis, notamment en cas de prix négatifs sur le marché spot.
• Mais attention, toutes les installations ne sont pas concernées. Seules celles qui répondent à certains critères pourront faire l’objet de ces mesures. Un arrêté ministériel, pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), viendra en préciser les contours.

Cette mesure ne remet pas en cause les contrats existants, mais les adapte à un contexte nouveau, où la priorité est d’optimiser le fonctionnement du réseau et de réduire les pertes économiques liées à une production non nécessaire.

Les bénéfices d’un système flexible

Mettre en place une flexibilité électrique à grande échelle, ce n’est pas juste une option technique. C’est un levier stratégique pour réussir la transition énergétique tout en limitant ses coûts, ses contraintes, et ses impacts environnementaux. Et les bénéfices sont nombreux tant pour les consommateurs, que pour le réseau et la planète.

1. Moins de pertes d’électricité renouvelable

Aujourd’hui, une partie de l’électricité verte produite en France est tout simplement perdue, car elle n’est pas consommée au moment où elle est disponible. Par exemple, comme le rappelle l’ADEME, le 28 juin 2024, plus de 3 GW de production photovoltaïque ont été perdus en plein après-midi, faute de demande suffisante. En parallèle, le soir même, les centrales à gaz ont dû être activées pour combler le pic de consommation.

2. Une baisse des émissions de CO₂

Moins de centrales thermiques activées, c’est moins d’émissions de carbone. Chaque kilowattheure d’électricité renouvelable consommé au bon moment permet d’éviter des émissions évitables. La flexibilité permet ainsi de mieux valoriser l’électricité verte, tout en réduisant notre dépendance aux énergies fossiles.

3. Une facture d’électricité optimisée

Pour les consommateurs, la flexibilité rime souvent aussi avec économies. Grâce à des offres tarifaires dynamiques, il devient possible de consommer quand l’électricité est moins chère, ce qui allège la facture. Couplé à des équipements intelligents, ce système peut fonctionner sans efforts, tout en générant des gains concrets.

4. Moins de besoins en stockage coûteux

Stocker de l’électricité reste cher et parfois complexe. Pourtant, si la consommation s’adapte mieux à la production, les besoins de stockage diminuent. L’ADEME a montré que dans le cadre de son scénario “Technologies vertes” (S3), le recours à la flexibilité permettrait de diviser par trois les besoins de développement de batteries sur le réseau.

C’est un gain considérable, aussi bien en termes de coût que d’impact environnemental lié à la fabrication des batteries.

5. Un réseau plus stable, moins fragile

Enfin, en absorbant les pics de production et en évitant les pics de consommation, la flexibilité contribue à stabiliser le système électrique. Moins de risques de coupures, moins de tensions sur les infrastructures, et une plus grande résilience face aux aléas climatiques ou géopolitiques.

L’essor des énergies renouvelables transforme profondément notre manière de produire, de consommer et de penser l’électricité. Si cette transition est indispensable pour faire face aux défis climatiques, elle s’accompagne aussi d’enjeux techniques et économiques, comme les épisodes de prix négatifs, ou la surcharge ponctuelle du réseau.

Face à ces défis, la flexibilité électrique émerge comme une solution clé. Elle permet d’optimiser l’équilibre entre offre et demande, de limiter les pertes d’énergie verte, de réduire les coûts, et de favoriser un réseau plus stable et moins polluant.