10-11-2025
Flexibilité électrique : ses mécanismes n’auront plus de secret pour vous
Chargée de communication
dé-clic, la notification pour adapter sa consommation
La France s’est fixée pour objectif d’atteindre 40 % de la production d’électricité d’origine renouvelable à horizon 2030. Pour accompagner le développement des énergies vertes, elle doit offrir à son réseau davantage de souplesse. C’est dans ce cadre qu’ont été mis en place par RTE les dispositifs de flexibilité : la réserve primaire, la réserve secondaire et le mécanisme d’ajustement.
L’équilibre du réseau : un défi permanent
Contrairement au gaz ou au pétrole, l’électricité ne se stocke pas facilement à grande échelle. Le réseau électrique doit donc faire coïncider production et consommation pour être à l’équilibre. Plus concrètement, à chaque seconde, la production doit être égale à la consommation.
Pour mesurer l’équilibre du réseau, on se base sur la fréquence mesurée en Hertz (Hz). Comme l’explique Laurent Lamy, responsable du pôle équilibre offre demande au dispatching national de RTE, nous explique : « La fréquence d’un système électrique est l’indicateur qui permet de dire si nous avons un équilibre entre l’offre et la demande d’électricité sur une même zone. C’est un peu comme sur une balance. Le point d’équilibre est à 50 hertz. S’il y a plus de demande que d’offre, la fréquence baisse. A contrario, si l’offre est supérieure à la demande, la fréquence augmente ».
Cette fréquence est facilement pilotable avec des centrales dont on peut ajuster la production en temps réel, comme une centrale nucléaire ou une centrale à gaz. Or, avec le développement des énergies renouvelables, l’équilibre devient plus fragile. En effet, certaines sources d’énergie, comme le solaire ou l’éolien dépendent de la météo. Si elles sont essentielles à la transition énergétique, elles imposent de nouveaux défis au réseau. C’est pourquoi ont été créés des marchés de flexibilité. Ils sont gérés par RTE.
Qui est RTE ?
RTE, le Réseau de Transport d’Électricité, est le chef d’orchestre du système électrique français. Il gère notamment les lignes à haute tension. Sa mission : anticiper, surveiller et ajuster la production et la consommation pour garantir la continuité d’alimentation. Pour cela, il :
- Supervise en permanence les flux d’électricité sur le territoire et aux interconnexions avec les pays voisins.
- Active différents leviers de flexibilité pour absorber les variations, selon leur rapidité d’intervention.
Quels sont les différents mécanismes de flexibilité électrique ?
Les mécanismes de flexibilité permettent d’ajuster la production en temps réel. Ils jouent sur trois niveaux de réserve. Ces trois niveaux de réserve se différencient par la vitesse à laquelle ils sont mobilisés et par leur rôle. Voici quelques explications.
| Niveau de réserve | Réactivité | Mode d'activation | Objectif | Technologies principales |
|---|---|---|---|---|
| Primaire (FCR) | Quelques secondes | Automatique et décentralisé | Contenir la variation de fréquence | Groupes hydrauliques, turbines thermiques, batteries haute réactivité |
| Secondaire (aFRR) | Minutes | Automatique, piloté par RTE | Ramener progressivement la fréquence à 50 Hz | Hydraulique (STEP), batteries, unités thermiques flexibles |
| Tertiaire (MA) | 13 à 30 minutes | Manuel, déclenché par RTE | Corriger un déséquilibre prolongé ou anticiper une crise | Centrales thermiques, barrages, effacement industriel, stockage |
La réserve primaire (FCR)
Appelée « Frequency Containment Reserve » (FCR), la réserve primaire est la première ligne de défense. Dès qu’un déséquilibre survient, elle se déclenche automatiquement en quelques secondes. Comme l’explique la Commission de Régulation de l’Énergie « La réserve primaire, activée de manière décentralisée au niveau de chaque groupe de production, intervient en 15 à 30 secondes ». Son rôle est d’empêcher l’effondrement de la fréquence du réseau qui pourrait provoquer un black-out généralisé.
Pour garantir la stabilité du réseau européen, la réserve primaire doit être suffisante pour faire face à un incident majeur, comme l’arrêt brutal de grandes centrales électriques. Cela représente environ 3 000 MW de puissance à mobiliser en urgence. Au sein de dispositif collectif, la France apporte sa part en mettant à disposition près de 540 MW.
Bon à savoir : Un black-out, qu’est-ce que c’est ?
Un black-out, c’est une rupture d’alimentation généralisée à l’échelle d’une zone (une ville, une région, un pays). Cela s’est par exemple produit en Espagne le 28 avril 2025. Toute la péninsule ibérique s’est subitement retrouvée sans électricité pendant plusieurs heures.
La réserve secondaire (aFRR)
La automatic Frequency Restoration Reserve (aFFR) prend le relais dans les minutes qui suivent. Elle est mobilisable en 400 secondes, soit 6 minutes et 40 secondes. En France, la réserve secondaire correspond à une capacité de puissance comprise entre 500 et 1 180 MW. Tout producteur d’énergie disposant d’installations de plus de 120 MW de puissance doit y contribuer.
La réserve tertiaire ou Mécanisme d’Ajustement
Lorsque les déséquilibres persistent, RTE active la réserve tertiaire via le Mécanisme d’Ajustement (MA). Ce dispositif est manuel et vise à corriger un déséquilibre durable ou à anticiper une situation de pics de consommation, comme une vague de froid ou une canicule.
La participation au MA est obligatoire pour les producteurs raccordés au réseau de transport, qui doivent déclarer leurs capacités disponibles. Elle est en revanche volontaire pour d’autres acteurs, comme certains producteurs plus petits ou les consommateurs.
Dans ce cadre, il est possible de s’engager en tant que professionnel ou particulier dans une démarche d’effacement de consommation. Elle consiste à réduire volontairement sa consommation d’électricité pour contribuer à l’équilibre du réseau sur un signal de RTE.
Pour les industries et entreprises, cela peut signifier arrêter temporairement une chaîne de production, décaler certaines opérations ou réduire l’utilisation d’équipements énergivores lors de périodes de tension.
Pour les particuliers, l’effacement peut passer par l’arrêt du chauffage électrique quelques minutes lors d’une pointe de consommation ou de décalage de certains usages en heures creuses (programmation du chauffe-eau ou recharge d’une voiture électrique, etc).
Par exemple, l’offre dé-clic d’elmy alerte les particuliers en cas de tension sur le réseau et les incite à réduire leur consommation sur des périodes critiques. Cette démarche transforme chaque foyer participant en acteur de la flexibilité. Elle permet de participer à l’effort collectif pour la stabilité du système électrique tout en réalisant des économies d’énergie. Malin, n’est-ce pas ?
Zoom sur l’actu
Dès le 1er octobre 2025, un nouveau cadre légal oblige les producteurs d’énergies renouvelables ayant des installations de plus de 10 MW à pouvoir réduire ou arrêter leur production sur demande de RTE ou d’EDF OA. Ils doivent aussi mettre toute leur puissance disponible au service du mécanisme d’ajustement.
La flexibilité : une affaire de coordination européenne
Vous l’aurez compris, la flexibilité n’est pas seulement l’affaire de l’Hexagone. Le réseau français est fortement interconnecté avec ses voisins européens. Cette interdépendance permet d’échanger de l’électricité en temps réel et d’améliorer la résilience du système.
La réserve primaire est constituée par plusieurs pays. Comme l’explique l’association HEPSUL spécialiste du photovoltaïque « Depuis 2017, ce réglage est réalisé via un appel d’offres hebdomadaire mené conjointement par les gestionnaires de réseau de transport français, allemand, autrichien, belge, néerlandais et suisse. »
Pour les autres réserves, plusieurs projets européens coexistent :
- PICASSO, dédiée à la réserve secondaire (aFRR),
- MARI, pour la réserve tertiaire (MA) mobilisable en moins de 15 minutes ;
- TERRE, pour la réserve tertiaire (MA) mobilisable en moins de 30 minutes.
Ils facilitent la mutualisation des ressources et optimisent la réponse collective face aux déséquilibres.
La flexibilité électrique s’impose comme la clé de voûte de la transition énergétique. En plus des réserves, au-delà des mécanismes actuels, l’avenir promet de belles innovations. Développement des batteries de stockage, smart grids, ou encore émergence de l’hydrogène vert, de nouvelles innovations permettront d’accompagner toujours plus l’essor des énergies renouvelables et leur injection dans le réseau.